dimanche 1 janvier 2012

La vengeance est un plat qui se mange fleuri



- Raoul, tu vas aux obsèques de Claudine j'imagine ?

- Quelle question... Bien sûr. Pourquoi, tu n'y vas pas toi ?

- Non, j'ai un rendez-vous.

- Un rendez-vous ? Mais qu'est-ce qui peut bien être plus important que les obsèques de ta copine ?

- Je dois aller chez l'esthéticienne dans vingt minutes.

- Hein ? Et ça ne peut pas attendre ?

- Ah non ! Si j'attends, ce n'est plus le maillot qu'elle va me faire, c'est la combi !

- Tu vas rater les obsèques de ta copine parce que tu vas te faire épiler ?

- Oh mais arrête avec "ta copine", c'était TA copine surtout oui ! Et Raoul par-ci et Raoul par-là... Et l'épisode du tire-fesse, tu crois que j'ai oublié ?

- On jouait au mime, c'était plutôt une bonne idée pour trouver, non ? Tu vois le mal partout.

- Bah voyons ! C'est marrant d'ailleurs, on a trouvé tout de suite mais elle a mis un temps fou à lâcher la perche ! Elle avait peut-être envie de glisser sur ta neige ?

- Et puis c'était y'a quinze ans !

- Quand on me prend pour une conne, il n'y aucune prescription possible mon cher ami. Une femme blessée réactualise chaque jour les saloperies qu'on peut lui faire. Ce qu'on lui a fait il y a quinze ans est aussi frais que si c'était il y a quinze minutes !

- On a quand même passé de beaux moments avec elle, toi comprise.

- Moi comprise ? Regardez-le l'innocent... Ah non, moi pas comprise ! Moi pas comprise du tout ! Par contre, moi avoir compris depuis le début que la Claudine, ce qu'elle préférait chez moi, c'était mon mari ! C'était dingue tous ces hasards, elle tombait en panne en pleine forêt, elle t'appelait, elle se penchait toujours en face de toi à table, avec ses seins pratiquement dans ton pain de mie, mais si elle était assise en face de moi, elle avait un gilet, et elle se faisait servir ! Tu veux que je continue ? Tiens, le jour où je suis rentrée plus tôt du cinéma, j'ai vu une ombre derrière les rideaux passer d'un canapé à un autre, et quand j'entre dans le salon, vous étiez tous les deux sagement assis devant la télé, chacun dans son canapé, sauf que toi, tu avais la chemise toute froissée et encore chaude de son vice !

- Je t'ai dit mille fois que tu te faisais des idées et que c'était le chien qui m'avait fait un câlin !

- Ah oui ? J'aurais juré des poils de chienne moi ! Voire de chatte. Mais tu as raison, vu que nous n'avons qu'un berger allemand, ça ne pouvait être ni l'une ni l'autre...

- Simone, tu deviens insupportable là ! Et vulgaire !

- Quoi ? J'adore les animaux, on ne peut pas en parler ? Ils sont fidèles, aimants... Tiens, tu pourras laisser une couronne de fleurs de ma part ?

- Tu... tu lui as acheté une couronne ? Oh ça c'est gentil alors... Pardon de t'avoir mal jugée ma chérie...

Simone prend alors la couronne dans le sous-sol, remonte, et la présente à Raoul, côté inscription :

- Mais tu es complètement folle ma pauvre Simone !

- Quoi ? C'est trop ? Non mais ça me fait plaisir. Elle adorait les fleurs. Et puis c'était quand même une copine... Allez, vas-y Raoul, tu vas être en retard... Tu ne la faisais jamais attendre, ce serait con de le faire le jour de la dernière... Ne pleure pas trop, je suis avec vous par la pensée. Pauvre Claudine... Pendant qu'on va me faire un joli maillot, le sien va partir en fumée... avec tous les parfums de vos secrets...

(elle expire...)

Enfin... C'est la vie !