jeudi 29 août 2013

Diamant sur canapé




- Tu sais que t’es bien foutu jeune chien fou ?

- Merci Simone… Et encore, là tu vois que les pectoraux, en ce moment je travaille les fessiers.

A peine Simone a-t-elle répondu à cette phrase bourrée de sous-entendus que son compagnon de jeu la saisit et entame une violente secouée moyennement amicale, qui se termine dans un cri terrible déchirant la nuit :

- Mais t’es malade ?!! Qu’est-ce que t’as fait à ma jambe ?

- Bah tu m’as dit « j’ai envie que tu me démontes »…

- Mais pas du tout, je t’ai dit « j’ai envie que tu me les montres » !

- Quoi ?

- Tes fessiers !

- Ah… pardon, j’avais pas compris ça…

(Elle l’imite avec une voix de benêt)

- « J’avais pas compris ça… »   Dis donc Musclor, t’as autant de neurones que de distinction !

- De quoi ?

- Et même si je t’avais dit « j’ai envie que tu me démontes », ce qui, soit dit en passant, aurait signifié tirer un trait sur des années d’élégance, c’eût été une métaphore !

- Une quoi ?

- Une image !!! Si les femmes se faisaient démonter comme tu viens de le faire, tu imagines le nombre de pièces détachées qu’il y aurait dans le monde ?

- Mais moi je suis très premier degré en fait…

- Bah oui je vois ! C’est même pas du premier degré à ce niveau-là, t’es en température négative ! T’as la lucidité qui gèle à la naissance ! Vous êtes quand même méchamment graves toi et tes copains de la génération YouPorn hein ! Avant on avait les machos, maintenant on a les machos qui ne comprennent même pas les dialogues des pépites qu’ils regardent ! Avant on avait quand même des amants, ils avaient peut-être la moustache et la fessée facile mais ils nous laissaient en un seul morceau ! Maintenant on a des bouchers, des peintres, des spéléo de la tuyauterie ! Ça vous défriserait la toison d’avoir un peu de délicatesse ? On ne peut pas se faire plaisir à l’ancienne ? Comme on fait depuis toujours ? Non, génération geek, il faut du progrès, faut démonter, plus loin,  plus haut, plus fort, et alors demain, c’est quoi le programme ? Tu vas te raser le crâne, te l’enduire de graisse à traire et aller poser à côté du point G pour publier ta photo sur Facebook ? Faudrait déjà que tu saches le trouver espèce d’entrepôt vide !

- Je suis sûr que bientôt on entrera « point G » sur une caméra frontale GPS et on trouvera direct.

- Mais ça aussi c’est une image, le point G ! Tu crois quoi ? Qu’on a un petit point G dans le ventre entouré en rouge avec écrit « vous êtes ici » ? Mais ta vie c’est un ascenseur qui descend perpétuellement vers le néant mon pauvre ami ! Et pourquoi tu m’as amené chez toi ? Qu’est-ce que tu as vu chez moi ? Une cougar ? Une MILF ?

- Bah ouais, un peu une MILF…

- Mais je suis tout le contraire Capitaine Caverne ! Je suis une WILD ! Woman I Love to Discover ! Une île déserte et luxuriante, élégante et pas sur la carte, sauvage et belle ! Toi, t’as du caviar et tu l’étales sur le Big Mac indigeste de ton animalité décérébrée !!!

- Mon quoi ?

- Mais regarde dans quel état tu m’as mise !!

- Je suis désolé…

- T’es désolé ? Mais ça me fait une belle jambe que tu sois désolé ! Comment je fais moi maintenant ?

- Bah tu vas un peu boiter c’est sûr…

- …Dis donc Brutus… C’est quoi « beaucoup boiter » pour toi ?



F.P. - Août 2013

lundi 26 août 2013

Cul et chemise

 
 
 
- Ah Cary Grant… La classe incarnée, l’élégance faite homme… Tu sais que la première fois que je t’ai vu, tu m’as immédiatement fait penser à lui ?

- C’est gentil ça… Moi tu m’as fait penser à Sophia Loren la première fois.

- Je croyais que c’était Audrey Hepburn ?

- Audrey Hepburn aussi, pour ton côté espiègle, mais surtout Sophia Loren ce soir-là, avec cette robe noire qui te faisait une ligne… des courbes à réveiller le Vésuve…

- Ah oui d’accord… Je te parle de ton élégance et tu me réponds que tu te souviens de mon décolleté... Il te manque encore un peu de classe pour arriver au niveau de Cary mon chéri…

- Pas du tout, je ne parlais pas que de ton décolleté, je parlais de tout le reste ! Je parlais SURTOUT du reste en l’occurrence, oui tu avais un cul magnifique dans cette robe, c’est mal de le dire ? Et puis  arrêtons l’hypocrisie deux minutes, tu crois que Cary Grant il ne regardait pas le cul des jolies femmes qu’il croisait ?

- Non, il regardait leurs fesses.

- C’est pareil, arrête de jouer sur les mots…

- Non, justement, ce n’est pas du tout pareil Raoul ! L’élégance d’un homme, c’est le fruit d’une certaine sensibilité, que nous les femmes savons reconnaître puisque nous avons la même. Nous, par exemple, nous regardons vos fesses, comme les élégants, pendant que vous, vous regardez notre cul. Et ne dis pas le contraire, je te connais par cœur !

- Parce que tu crois que Cary Grant sous son vernis élégant, il n’était pas comme les autres ? Il était peut-être très fort pour sublimer la fesse à vos yeux, mais aux siens, le seul sublime qui comptait, c’était le cul ! Le cul, le cul, le cul !

- Et il avait raison ! Parce qu’on adore qu’un homme nous regarde le cul mais uniquement s’il a su nous regarder les fesses avant. C’est un peu comme si l’élégance était la meilleure introduction possible avant l’ivresse, elle permet la fonte de toutes les barrières les plus froides, tu arrives à comprendre ou ça te dépasse Monsieur le radar automatique ?

- Le radar automatique ?

- Tu crois que je ne te vois pas flasher sur la moindre ondulation à talons ?

- Parce que toi tu ne flashes pas sur les sourires en coin, les mèches rebelles, les regards pleins de douches brûlantes et de matins tièdes ? Ne te fous pas de moi Simone s’il te plaît…

- Mais je flashe raisonnable moi ! Toi tu flashes toutes les trois secondes !

- C’est quand même pas de ma faute si elles me sourient !

- Mais elles te sourient pour être tranquilles ! C’est comme si quelqu’un gardait le doigt appuyé sur ta sonnette pendant des heures, soit tu lui ouvres, soit il continue pendant toute ton indifférence ! Alors nous, avec les radars automatiques, on est gentilles, on sourit, lui il est content pour la journée, il a l’égo aussi gonflé que la testostérone, et nous, on a le bouton libéré !

- Le bouton ?

- De la sonnette espèce de malade !

- Et pourquoi n’oseraient-elles pas m’éconduire ?

- Tu flashes sur tellement de femmes que tu es persuadé qu’elles ont toutes perdu leur permis de t’éconduire Raoul !

- Dis donc, mets-toi de profil là…

- Quoi ?

- Si je te dis que depuis que tu as passé la cinquantaine tu as pris des fesses plutôt que « pris du cul », je suis élégant ou pas ?



Raoul a gardé l’empreinte des stries de la poêle sur le front jusqu’au printemps d’après.







Franck Pelé – Août 2013 – textes déposés à la SACD