lundi 10 janvier 2011

Le jour où Raoul en a perdu son latin


J'avais 15 ans. Ma professeur de latin, mademoiselle Moneyron, venait chaque mercredi me donner des cours particuliers. J'étais fou de cette femme. Elle était celle qui avait éveillé en moi les premiers frissons de mon intimité, mes premiers émois. A chaque fois qu'elle se penchait, ou qu'elle décroisait ses jambes, j'étais à l'affût du paradis que mes fantasmes me promettaient, quand je l'imaginais s'abandonner, sans aucune retenue. Je sentais que j'allais à l'encontre de la morale, et pourtant, le désir emportait tout sur son passage. J'avais toujours été un petit garçon, puis un grand garçon, je n'avais encore jamais senti l'homme qui dormait en moi, j'étais trop tendre. Cette femme m'avait endurci, et je ne pourrai jamais l'oublier.

Ce jour-là, elle reprisait une nappe de ma mère. De là, où j'étais, debout, je pouvais voir qu'elle portait des bas. Je pouvais même apercevoir ses cuisses. Je fondais sur place... J'avais l'impression d'être aussi dur qu'une banquise, je ne désirais qu'une chose, fondre sous la chaleur de sa révolution sur mon pôle...

Je ne savais pas si elle avait compris que je voyais ses dessous, mais je me persuadais qu'elle me dévoilait délibérément une partie de son intimité, sans connaître la suite, pour donner vie au mystère, à l'aventure, à l'interdit. Elle m'ouvrait sa porte, m'invitait à entrer chez elle. Oui, j'en étais persuadé. Chez elle... C'était là que dormaient les plus douces sensations du monde, c'était là que j'allais devenir un homme, c'était là que j'allais tomber amoureux fou des femmes. Je décidais de venir m'asseoir à côté d'elle :

- Mademoiselle Moneyron ?

- Oui Raoul ?

- Vous pourriez me faire réciter mes dernières leçons pendant que vous terminez la nappe ?

- Bien sûr

J'étais assis juste à côté d'elle. Je pouvais sentir son parfum, ses cuisses, elles étaient incroyablement sensuelles ses cuisses... Je voulais les ouvrir, je voulais tout découvrir, mon nouveau monde, je découvrais l'Amérique... Je ne pouvais plus attendre...

- Récite-moi les déclinaisons que nous avons vues ce matin

- Mademoiselle... En fait, je dois vous avouer que je ne pense qu'à une chose...

- Quoi Raoul ?

- Je ne pense absolument pas à mes déclinaisons, je ne pense qu'à votre inclinaison...

Je joignais le geste à la parole, et je commençais à caresser sa jambe.

- Raoul, je n'ai pas le droit de faire ça, tu es mineur, tu es très attirant, mais tu es mineur, c'est la loi... Tu comprends ?

Elle venait de m'interdire le rêve qui se profilait, et pourtant, elle n'avait pas enlevé ma main, j'ai même cru apercevoir un mouvement d'abandon, comme si ses cuisses s'étaient ouvertes doucement avant que sa raison ne renferme le livre des secrets. Ce geste impulsif était ma chance, et je décidais de la jouer à fond. Je caressais son mollet droit, et doucement, je remontais ma main pour aller à l'intérieur de sa cuisse gauche, elle me disait d'arrêter, tout en ouvrant ma route vers la paradis, cette fois d'une façon manifeste. Je redescendais vers ses lèvres, prêtes à faire descendre un mineur au centre de la Terre et à lui offrir tout l'or du monde. J'étais bouleversé par tant de grâce, par tant de douceur, par cette chaleur qui donnerait la vie à n'importe quelle graine, l'histoire était donc vraie...

Elle semblait avoir fondu encore plus que moi si j'en jugeais par la facilité avec laquelle mes doigts étaient accueillis. En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, nous nous retrouvions nus, tous les deux, elle sur le dos, sur le canapé, moi qui la goûtais, avec une gourmandise que je n'avais jamais soupçonnée, puis elle me faisait découvrir l'immense, l'exceptionnel plaisir, cette spécialiste de l'étude de cas étudiait le mien de très près, et je peux vous dire qu'elle n'était pas professeur de langue pour rien ! Plus jamais je n'allais considérer le latin comme une langue morte... Son cours de langue me semblait durer un siècle, une éternité de plaisir, délicieux à exploser comme une comète trop proche du soleil. Puis elle m'invitait à entrer, en me guidant, très rassurante. J'avais soudain un doute, n'était-ce pas une limite trop dangereuse ? J'étais aussi tendu qu'un arc en ciel, prêt à lui donner toutes les couleurs de l'extase, mais je ne pouvais m'empêcher de lui poser la question :

- Et si c'était dangereux pour vous d'aller aussi loin ?

- Tu as raison...

Là, tout en me donnant cette réponse castratrice, elle la trompait immédiatement en me prenant par les hanches et en m'enfonçant tout doucement en elle.

Elle eût alors cette phrase magnifique dans un soupir inoubliable :

- Dura lex sed lex...

Tant d'ironie délicieuse me faisait perdre mon latin. Nous avons révisé toutes les déclinaisons, inclinaisons, terminaisons, conjugaisons possibles. Il me faudrait désormais trouver une femme exceptionnelle pour oublier la première à m'avoir présenté le toit du monde.

Le week-end suivant, nous avons mangé sur une nappe décousue, personne n'a rien remarqué.

3 commentaires:

  1. Latin ... langue morte... excellent apprentissage du... français... de l'origine non du monde ... mais des mots qui peuvent se transformer en maux !!! maladie d'amour.... maladie de la jeunesse! ah bon.. que de la jeunesse... non.....

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Rosa, rosa, rosam....quel texte délicieux...Raoul en a peut-etre perdu son latin mais à n'en nul douter, c'est ici qu'il a appris à manier la langue...

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